CPA Public Affairs
Novembre 2018

La taxe sur le carbone arrive en 2019 - réactions provinciales

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Le 23 octobre, le premier ministre Trudeau a officiellement annoncé que le système fédéral de tarification de la pollution par le carbone entrerait en vigueur en 2019.
 
Selon le gouvernement fédéral, la fixation d’un prix à la pollution – ce qu’on appelle la « taxe sur le carbone » – est un des fondements de son Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques.
 
Voici comment le gouvernement décrit ce cadre : « [Ce cadre a été] élaboré avec les provinces et les territoires ainsi qu’à la suite de consultations avec les peuples autochtones – nous permettant d’atteindre notre cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre tout en stimulant l’économie et en renforçant notre résilience aux changements climatiques ». Ce plan comprend l’approche pancanadienne pour une tarification de la pollution par le carbone, que le premier ministre a présenté le mois dernier.
 
Le gouvernement a déclaré qu’une taxe sur le carbone incite les citoyens, les ménages et les entreprises à s’appuyer sur les investissements qu’ils ont déjà réalisés pour réduire leurs émissions de GES. Et, toujours selon le gouvernement, les provinces et territoires peuvent se servir des recettes générées par leur propre système de tarification de la pollution par le carbone, si celui-ci est conforme aux critères fédéraux, pour aider leurs concitoyens, stimuler l’économie et protéger l’environnement.
 
Toutefois, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario et au Nouveau-Brunswick – quatre provinces qui ne disposent d’aucun régime de tarification approuvé par Ottawa –, le filet de sécurité fédéral sur la tarification du carbone sera appliqué en fonction des produits issus de la redevance sur les combustibles de chaque province.
 
On estime qu’à 20 $ la tonne, la taxe sur le carbone entraînera en 2019 une augmentation de 4,42 cents le litre d’essence, de 3,91 cents le mètre cube de gaz naturel et de 3,10 cents le litre de propane dans les provinces qui ne se sont pas conformées aux directives d’Ottawa.
 
La taxe fédérale sur le carbone sera compensée par les paiements de l’Incitatif à agir pour le climat, un programme qui permettra, selon le gouvernement, de reverser aux citoyens de ces provinces environ 90 % des recettes générées par le nouveau régime de tarification du carbone. L’Incitatif à agir sera demandé dans la déclaration de revenus. Les particuliers et les familles en recevront le paiement proprement dit dans le cadre de leur avis de cotisation. Les sommes versées varieront en fonction des produits issus de la redevance sur les combustibles de chacune des provinces visées et de la taille de la famille. Les habitants des petites collectivités et des communautés rurales auront droit à un supplément de 10 %.
 
Les agriculteurs profiteront d’un allègement de la redevance sur les combustibles pour les combustibles utilisés dans les tracteurs, les camions et les autres machineries agricoles. Les pêcheurs auront aussi droit à un allègement de la redevance sur les combustibles pour l’essence et le mazout léger (p. ex., le diesel) qui sont généralement livrés à un pêcheur, si le combustible est destiné à être utilisé exclusivement dans un navire de pêche admissible et que la totalité ou la presque totalité du combustible est destinée à être utilisée dans le cadre d’activités de pêche admissibles.
 
Un allègement partiel (de 80 %) de la redevance sur les combustibles est par ailleurs prévu pour le gaz naturel et le propane utilisés exclusivement dans l’exploitation d’une serre commerciale destinée à la culture de plantes, notamment de légumes, de fruits, de plantes à massifs, de fleurs coupées, de plantes ornementales, de semis d’arbres et de plantes médicinales. Cet allègement sera aussi assujetti à la condition que la totalité ou la presque totalité des bâtiments de serre serve à la culture de plantes.
 
L’application des exemptions sera également étendue, à certaines conditions, aux utilisateurs de combustibles d’aviation dans les territoires ainsi qu’aux centrales produisant de l’électricité pour les collectivités éloignées.
 
 
Position des provinces à l’égard de la taxe sur le carbone
 
 
En 2008, la Colombie-Britannique a mis en œuvre la première taxe générale sur le carbone en Amérique du Nord dans le cadre du Greenhouse Gas Reduction Act (en anglais). De 2007 à 2015, les émissions nettes de la province ont diminué de 4,7 %. La taxe sur le carbone de la Colombie-Britannique s’applique à l’achat et à l’usage de combustibles fossiles et couvre environ 70 % des émissions de gaz à effet de serre de la province.
 
Depuis le 1er avril 2018, cette taxe est de 35 $ la tonne d’équivalent CO2. Elle augmentera de 5 $ chaque année jusqu’à atteindre 50 $ la tonne, en 2021. Les recettes générées par cette mesure servent à accorder des allègements de la taxe sur le carbone, à maintenir la compétitivité industrielle et à encourager les nouvelles initiatives vertes.
 
Afin d’en améliorer le caractère abordable, le gouvernement a porté les crédits d’impôt action climat à 135 $ par adulte et à 40 $ par enfant pour les particuliers et les familles à faible revenu pour 2018 – environ 1,3 million de Britanno-Colombiens profitent de ce crédit. Le gouvernement de la province offre aussi plusieurs programmes incitatifs liés à la taxe sur le carbone destinés aux particuliers, aux entreprises et aux gouvernements locaux, dont le Clean Growth Incentive Program et le Clean Electric Vehicle Program.
 
Le gouvernement minoritaire formé de l’alliance du NPD et du Parti vert a récemment remplacé le Greenhouse Gas Reduction Act, loi qui avait été adoptée par les libéraux, par le Climate Change Accountability Act (CCAA) (en anglais), qui définit de nouvelles cibles afin de parvenir à atteindre les seuils de réduction souhaités d’ici 2030. Cette loi rétablit les objectifs de réduction des GES de la province et élargit l’autorité réglementaire du ministre de l’Environnement afin de lui permettre de fixer des objectifs propres à l’industrie et d’effectuer des modifications afin d’atteindre les cibles de réduction des émissions.
 
En présentant le CCAA, le gouvernement a abandonné les précédents objectifs de réduction des GES pour 2020, les jugeant inatteignables. La nouvelle loi établit des objectifs de réduction des émissions de GES de 40 % d’ici 2030 (par rapport aux niveaux de 2007) et de 60 % d’ici 2040, et instaure des rapports semestriels sur les changements climatiques.
 
Comme nous l’avons dit, le CCAA confère une plus grande autorité au ministre de l’Environnement, lui permettant notamment de fixer des objectifs de réduction des GES propres à l’industrie pour 2030. Parmi ces recommandations, citons une réduction des émissions de 30 % dans le secteur industriel et celui du transport. Le gouvernement de la Colombie-Britannique envisage aussi d’étendre l’application de sa taxe sur le carbone à toutes les sources de GES, élaborant entre autres une stratégie de transport à faibles émissions de carbone afin de réduire les émissions de 30 % dans ce secteur d’ici 2030 et présentant des mesures pour baisser les émissions de méthane, que celles-ci soient fugitives ou relâchées dans l’atmosphère.
 
 
Le gouvernement de l’Alberta a été l’un des premiers, avec celui de la Colombie-Britannique, à instaurer une redevance sur le carbone. Celle-ci s’applique aux carburants fossiles – diesel, essence, gaz naturel et propane – et est perçue à la pompe et sur les factures de chauffage. Le prix de la tonne de carbone a d’abord été de 20 $, puis a été porté à 30 $ (en janvier 2018). Les fonds amassés grâce à cette redevance sont investis dans Energy Efficient Alberta, une agence qui offre la possibilité aux Albertains de changer leurs ampoules domestiques pour des modèles moins énergivores et de remplacer leurs pommes de douche et leurs robinets par des modèles à faible débit. Cette initiative permet également d’offrir des remboursements aux Albertains à revenus modestes et d’appuyer des projets d’énergie propre ou verte.
 
En août, en réaction à l’annulation par la Cour d’appel fédérale du décret permettant l’expansion de l’oléoduc Trans-Mountain, la première ministre Rachel Notley a retiré l’Alberta du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, déclarant que la province attendrait que la construction du pipeline débute pour définir sa position. L’Alberta conservera la taxe existante sur le carbone, mais dérogera au calendrier fédéral en ne l’augmentant pas chaque année.
 
 
La Saskatchewan s’oppose vivement à toute tarification du carbone sur son territoire, et son premier ministre, Scott Moe, qualifie le régime fédéral de tarification du carbone de « programme énergétique national 2.0 ». Le premier ministre Moe conteste en Cour d’appel de la Saskatchewan le droit constitutionnel d’Ottawa d’imposer une taxe sur le carbone – l’affaire repose sur les droits des provinces sur les ressources naturelles et la capacité, en vertu des lois fiscales fédérales, à imposer une taxe sur le carbone.
 
En décembre 2017, le gouvernement de la Saskatchewan a présenté le plan climat Prairie Resilience Climate Change Strategy, qui vise à réduire les émissions des centrales thermiques de 40 % d’ici 2030 et les émissions de méthane liées à la production pétrolière et gazière de 40 à 50 % en 2030. En vertu de ce plan, SaskPower produira 50 % de son électricité à partir de sources renouvelables d’ici 2030. Le plan adopte par ailleurs le Code national du bâtiment 2015 afin d’améliorer l’efficacité des bâtiments, et assurera au cours de 2018 l’élaboration d’initiatives dans le secteur agricole et le transport de marchandises afin de réduire les délais de livraison et la consommation de carburant.
 
La Saskatchewan est la seule province dont le plan climat ne comporte pas de taxe ou de redevance sur le carbone. Le plan Prairie Resilience : A Made-in-Saskatchewan Climate Change Strategy (La résilience des Prairies : une stratégie sur le changement climatique faite en Saskatchewan – en anglais) prévoit une norme de rendement pour les grands émetteurs, lesquels alimenteront un fonds technologique et achèteront des compensations carbone et des crédits pour rendement supérieur – une approche que le gouvernement juge être axée sur le marché. Tout cela sera réuni dans le projet de loi The Management and Reduction of Greenhouse Gases Amendment (en anglais), qui sera présenté plus tard au cours de la session.
 
Le premier ministre Moe qualifie également la taxe fédérale sur le carbone de « combine flagrante d’achat de votes » et continuera à contester la capacité du gouvernement fédéral à l’instaurer.
 
 
Le Manitoba disposait, dans son Plan vert et climatique, d’une taxe sur le carbone qui s’établissait à 25 $ la tonne. À la différence des régimes de tarification du carbone de l’Alberta, de la Colombie-Britannique et de l’Ontario auparavant, le plan du Manitoba comportait plusieurs exemptions pour les secteurs touchés économiquement par cette mesure, dont le secteur agricole, qui est une industrie primaire dans la province. Dans la foulée de la contestation judiciaire de la Saskatchewan, le premier ministre Brian Pallister a récemment annoncé que le volet du Plan consacré à la taxe sur le carbone serait annulé et que le Manitoba se joindrait au groupe des provinces n’ayant pas de régime de tarification du carbone.
 
La taxe fédérale sur le carbone sera donc instaurée au Manitoba, et le premier ministre Pallister envisage de se joindre à la contestation judiciaire de la Saskatchewan, ou du moins d’en suivre attentivement l’évolution. L’abandon de la taxe sur le carbone du Manitoba aura pour conséquence que, dans tous les secteurs qui étaient exemptés de cette taxe en vertu du Plan vert et climatique, comme le secteur agricole, minier et forestier, la taxe fédérale sera appliquée à tous les carburants qui y sont utilisés quotidiennement. Le premier ministre Pallister a demandé publiquement au gouvernement fédéral de prévoir une exemption dans un communiqué publié trois jours après qu’il eut abandonné la taxe sur le carbone. Aucune réponse n’a encore été donnée à cette requête.
 
 
Le gouvernement progressiste-conservateur de l’Ontario a pris diverses mesures dans le cadre de nouvelles lois afin de réformer certains programmes et politiques depuis son élection, en juin 2018. Ses trois priorités sont de réduire le fardeau des Ontariens en rendant la vie plus abordable, d’améliorer la compétitivité de l’Ontario en ouvrant la province aux affaires et de rétablir un équilibre entre la protection de l’environnement et le développement économique.
 
Tandis que le gouvernement de l’Ontario prend des dispositions dans le cadre de divers projets de loi pour éliminer le programme de plafonnement et d’échange de la province, le premier ministre Doug Ford s’est exclamé récemment : « Ce n’est qu’une ponction fiscale de Trudeau, qui punit les familles et les petites entreprises », avant d’ajouter que le gouvernement fédéral « devait être prêt à se battre pour sa taxe sur le carbone ».
 
Le ministre Rod Philips a qualifié l’initiative libérale de « jeu cynique à la veille des élections » et a interrogé le moment choisi pour l’envoi de chèques fédéraux de remboursement de la taxe sur le carbone, prévu un peu avant les élections fédérales de 2019.
 
La position du gouvernement de l’Ontario consiste à combattre toute forme de plan de taxation du carbone en Ontario, en qualifiant l’approche libérale en matière de taxe sur le carbone de « dogmatique » et en répétant qu’elle punit les familles ontariennes qui travaillent dur quotidiennement. Le ministre Philips rencontrera les ministres provinciaux de l’Environnement ainsi que la ministre fédérale de l’Environnement, Catherine McKenna, le 24 novembre 2018 à Ottawa.
 
Les détails du nouveau plan en matière de changements climatiques de l’Ontario devraient être rendus publics en novembre. Le ministère continue à solliciter les commentaires et les suggestions du public au www.ontario.ca/fr/page/changement-climatique.
 
 
Le Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques du Québec - qui est financé par le fonds vert est le principal outil du Québec en matière de lutte contre les changements climatiques. Le plan s’appuie sur 30 priorités, lesquelles se déclinent en plus de 150 actions menées par 14 ministères et organismes du gouvernement du Québec.
 
C’est grâce au Fonds vert, dont les revenus sont principalement issus du marché du carbone, que le gouvernement soutient les entreprises, les municipalités et les citoyens dans leur transition vers un monde plus sobre en carbone. Jusqu’à présent, plus d’une quinzaine de programmes et plusieurs initiatives ont été lancés pour :
  • Réduire la consommation de combustibles fossiles et améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, des procédés industriels et des flottes de véhicules ;
  • Soutenir davantage le développement des transports collectif et actif ;
  • Accélérer l’électrification des transports et la création d’entreprises dans ce domaine ;
  • Étendre le recours aux sources d’énergie renouvelable dans tous les secteurs d’activité ;
  • Encourager la recherche et le développement dans le domaine des technologies propres ;
  • Agir de manière proactive en matière d’adaptation aux conséquences des changements climatiques.
 
Pour ce qui est des provinces de l’Atlantique, le premier ministre Justin Trudeau a accepté les plans sur les changements climatiques de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador, mais impose le régime de tarification fédéral au Nouveau-Brunswick. L’Île-du-Prince-Édouard aura un régime hybride.
 
La province de la Nouvelle-Écosse a réussi à convaincre Ottawa que son programme de plafonnement et d’échange (en anglais) respecte les exigences fédérales. Ce plan maintiendra la hausse du prix de l’essence à un cent le litre et tiendra les augmentations du prix de l’électricité au minimum.
 
La taxe fédérale sur le carbone sera imposée au Nouveau-Brunswick après que la province eut été incapable de respecter le minimum requis. Les Néo-Brunswickois verront ainsi le litre d’essence augmenter de 4,42 cents, le litre de mazout progresser de 5,37 cents, le mètre cube de gaz naturel croître de 3,91 cents et le litre de propane grimper de 3,10 cents.
 
L’Île-du-Prince-Édouard mettra en œuvre un système hybride composé du régime fédéral pour les pollueurs industriels et de son propre système de tarification des combustibles, que la province est en train d’élaborer. Le combustible destiné au chauffage domestique sera exempté, mais une taxe sur l’essence et le diesel de 4 cents le litre sera instaurée. Le gouvernement provincial envisage aussi de compenser l’augmentation du prix des carburants en ajustant son plan de manière à ce que les citoyens ne soient pas touchés par la nouvelle taxe sur le carburant.
 
Le Made-in-Newfoundland and Labrador Approach to Carbon Pricing (en anglais) exclut l’agriculture, la pêche, la foresterie, l’exploration minière et offshore ainsi que le relâchement de gaz résiduaires dans les industries pétrolière et gazière.
 
La taxe sera d’abord de 20 $ la tonne pour les grands pollueurs qui émettent plus de 25 000 tonnes de GES. Les entreprises choisiront la façon dont leurs émissions sont calculées, en optant soit pour un objectif de réduction des émissions basé sur leurs propres données historiques, commençant à 6 % en dessous de leurs niveaux de pollution de 2016 et 2017, soit pour un taux de référence sectoriel. Pour les consommateurs, le mazout de chauffage sera entièrement exempté de la taxe, et la taxe temporaire sur l’essence de 4 cents le litre sera remplacée par une taxe de 4,42 cents le litre.
 

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